Fausser compagnie       

Confort Cellulose

Exposition, Villa Bernasconi, Grand Lancy / Genève, 18 septembre − 4 novembre 2018

Avec : Noémie Doge, Genêt Mayor, Viktor Korol

De près
2018, fusain et ruban adhésif sur papier d'isolation, 200 x 200 cm

Crédits photos : Villa Bernasconi/Lancy, Dylan Perrenoud


Virginie Delannoy
Voyage autour de mes cartons

Dessiner à l'aune de son corps tout entier. Y découvrir un sentiment neuf de liberté et de légèreté. Bâtir ainsi des espaces intimes où creuser des échappées obliques qui invitent à les pénétrer du regard. Tout ici est nouveau par rapport à son travail de sculpteur. Nouveau mais en lien étroit et complémentaire avec les assemblages de meubles par lesquels Virginie Delannoy s'est fait connaître, et qui questionnent inlassablement son rapport à l'espace et à la distance entre les choses. Dans le vaste local industriel où elle travaille depuis peu, le désir contradictoire s'est imposé à elle de zoomer sur des lieux miniatures, sortes d'architectures de poche, tout en laissant son geste prendre une envergure inédite sur le papier, ou plutôt le feutre d'isolation qui lui sert de support. En imbriquant paradoxalement le monumental et l'intime.

A force d'empiler, d'emboîter et d'encastrer des meubles les uns dans les autres comme autant d'espaces détournés et transformés, l'envie l'a prise d'explorer l'intérieur d'une armoire, d'un tiroir ou même d'un carton. Un simple carton qui devient lieu en soi : symbole de contenant ; métaphore d'intériorité ; théâtre intimiste en attente de présence, peut-être.

Le trait est ample et déterminé, la construction rigoureuse, les arrêtes vives, les ombres et lumières clairement articulées. Et pourtant la géométrie qui en naît ne cesse de biaiser, se contredire, se dérober et diverger vers d'autres possibles. Difficile de pousser plus loin la radicalité de la démarche et la simplicité des moyens. Sauf que cette ascèse-là, que le regard interroge sous tous ses angles pour les juxtaposer et les imbriquer, développe une complexité spatiale énigmatique et déstabilisante qui invite à des déambulations précaires à travers les chausses-trappes de perspectives improbables, déconstruites et métamorphosées.

Mais rien d'aride dans ces épures poétiques qui ne se parent d'autres couleurs que celles de leurs matériaux même : le gris mat du feutre, le noir charbonneux et velouté du fusain, les brillances bistres du scotch, les textures patientes du crayon, les veinures du faux-bois, les griffures qui scandent occasionnellement les surfaces.

Si tout commence par la sculpture -les vrais meubles et objets assemblés ou explorés qui lui tiennent lieu de modèles librement interprétés-, tout y rappelle aussi la sculpture avec ces jeux et ces enchâssements spaciaux, comme avec cette matérialité tactile qui, sous la rigueur quasi abstraite de la construction, dégage une forme de sensualité que sa retenue même rend d'autant plus jouissive.

Françoise Jaunin, juillet 2018